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Ecrits > Processus de création

Voici quelques textes issus de mon questionnement sur les processus de création:
  • Le juste
  • Créer?
  • Pourquoi taisons-nous nos choix, en tant qu'artistes?

 

Le juste

Je ne prétends pas qu'il y ait, en matière de création, un juste et un faux dont je serais en mesure de donner la clé; Ce juste que je recherche, il ne l'est que pour moi dans l'instant où il se laisse entrevoir, et peut-être aussi pour quelque regard aux semblables résonances. Ce juste, c'est la trace d'une correspondance fragile et éphémère entre ce que je ressens, ce dont j'ai conscience et ce que je trace. Lorsque cet alignement se produit, c'est une détonation silencieuse, un éblouissement de l'intérieur. C'est pour ce rare instant que je crée.

 

Créer?

Robert me dit (morceaux choisis):
Du latin creare, donner l'être, l'existence, la vie à […]; tirer du néant.

Existence
Ce qui est, partant d'autre chose.
Ex-ister: être à partir de, être en se différenciant de l'origine. 

Lorsque l'on crée, le premier geste, c'est soi. Puis la forme, la texture acquièrent leur vie propre.
Il n'y a plus un, il y a deux. Celui qui crée, et le support sur lequel il crée. Et puisqu'il y a deux, il y a dialogue.
Ce nouvel être émanant d'autre chose, est-ce justement ce dialogue? Est-ce l'artiste, est-ce l'œuvre?
Un peu tout cela à la fois.
Autant il est évident que l'artiste transforme le support sur lequel il travaille, autant l'œuvre le travaille lui aussi.
En ce qui me concerne, ma peinture me questionne à chaque instant, me demande de prendre position: suis-je dans le juste? Suis-je dans le formel, dans l'appris, dans le bienséant?
Au-delà de la trace physique sur le papier, la trace interne qu'a laissé ce dialogue m'accompagne.
Tirer du néant
Dans une acception religieuse: Faire, former

Ces mots me font le plus grand effet…
Je vois le vide, l'abîme, les abysses. Je me penche et j'ai le vertige.
Avons-nous cette prétention, artistes, de tirer nos images du néant? Sûrement, au fond. Je suppose qu'une partie de la jubilation qui nous anime lorsque nous créons est de nous sentir non pas divins, mais Dieu créant… Ou est-ce le contraire? L'imagerie religieuse ne serait-elle simplement une construction anthropomorphique, une transposition de l'expérience humaine, dont celle qui consiste à créer?

 

Pourquoi taisons-nous nos choix, en tant qu'artistes ?

Ne nions pas qu'il y a des a priori pour créer: des principes, des concepts sur lesquels nous nous basons.
Le champ de la création est si vaste que nous n'avons de cesse de le restreindre, de le borner pour ne pas nous perdre. Sans cela, quelle serait la fonction des écoles, des mouvements, des groupes d'artistes, des manifestes?
Nous nous restreignons à quelques techniques, à des éléments de représentation formelle, à des parti-pris quant à notre rapport à la représentation, à des gammes de tons et de couleurs, de lumières, à des jeux de volumes, d'espace; nous avons nos gestes; nous aimons lisser ou sculpter, taillader ou assembler; nous y mettons du corps, de l'affect, ou de l'intellect; nous parlons de nous, de la société, du commerce de l'art; nous avons établi notre rapport aux autres moyens d'expression, tels que l'écrit, le spectacle, le son; nous nous montrons ou nous nous cachons, tout en croyant souvent faire le contraire.
Dans tous les cas nous faisons des choix. Nous n'utilisons jamais dans une œuvre, ni même parfois dans une vie tout le champ du possible dans le domaine de la création.
Ces choix, nous n'en parlons pas. Cette époque ne nous incite pas à le faire.
Il y en a eu d'autres, où les artistes réunis en mouvements brandissaient des manifestes.
De nos jours, non. Comme si le fait de revendiquer une incidence sur la création mettait en péril sa légitimité. Alors nous le faisons en secret, devant l'impossibilité de créer sans d'abord opérer ces choix.


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